L'enfant dormira bientôt by François-Xavier Dillard

Auteur:François-Xavier Dillard [Dillard, François-Xavier]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier/thriller/espionnage
Éditeur: Place des éditeurs
Publié: 2021-09-22T22:00:00+00:00

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— Tu l’as vraiment jetée ? Je ne te crois pas.

Michel fait face à son fils. Quand il est rentré tout à l’heure, un peu plus tôt que d’habitude, Hadrien l’attendait déjà dans l’entrée.

— Pourquoi te mentirais-je. Elle… Ça n’avait pas d’importance, c’étaient juste quelques kilos de silicone, de plastique et de puces électroniques.

Son enfant s’avance vers lui, il aime faire ce truc, coller son fauteuil roulant contre les jambes de son père. Comme pour lui rappeler qu’il n’a plus l’usage des siennes.

— Quand tu la prenais dans tes bras, quand tu la regardais ce n’était pas « ça ». Tu faisais comme si c’était un bébé, un vrai bébé. Tu crois vraiment que tu aurais pu t’occuper d’elle, papa, c’est ça ? Comme tu t’es occupé de moi ? Comme tu t’es occupé d’eux ?

— Tu crois peut-être que je ne me sens pas coupable, tu penses que je ne m’en veux pas ? Comment peux-tu imaginer une chose pareille.

— Les faits, papa, les faits sont têtus. Regarde-moi. Et les autres, tu es allé les voir parfois au cimetière ? Jamais. Tu as sans doute peur de te retrouver face à ton pire échec… Je ne t’en veux pas, après tout, c’est humain. Déjà que tu dois te coltiner ton fils toute la journée. Ça ne doit pas être facile. C’est sûrement plus simple avec une putain de poupée en plastique… Pourquoi es-tu rentré si tôt aujourd’hui ?

— Une policière doit passer dans – il regarde sa montre – une demi-heure. Elle enquête sur des enlèvements de nouveau-nés. Et il se trouve que les parents de ces bébés sont venus à la Fondation, à plusieurs reprises. Lorsqu’ils voulaient adopter un enfant.

Hadrien s’avance encore un peu, exerçant une pression encore plus forte sur son père.

— Décidément, on ne peut pas dire que tu portes bonheur aux bébés. Je ne veux pas la croiser, débrouille-toi pour que je ne la voie pas.

— Ça, mon chéri, ce n’est pas moi qui décide. C’est un flic qui enquête sur des disparitions plus qu’inquiétantes. Elle fera ce qu’elle doit faire.

— Je vais dans ma chambre, dis-lui que je suis malade.

Son père le regarde filer dans le vestibule puis s’engouffrer dans le couloir. Ce jeu cruel entre lui et son fils, cette partie dont il ne connaît pas les règles et dont il ne fixe pas le tempo le fait tant souffrir. Pourquoi cette rancune aussi tenace après tant d’années… Il se souvient que, entre l’accident et les 16 ans d’Hadrien, il avait eu l’impression qu’il avait réussi à construire une relation forte, une relation de confiance. Ils jouaient ensemble, ils échangeaient des messages normaux, sans agressivité, sans reproches. Et puis, brutalement, il s’était renfermé sur lui-même, et ses obsessions de souffrance et de culpabilité avaient commencé à devenir constantes. Il nourrissait tant d’inquiétude pour son fils. Cela le rongeait aussi certainement que de l’acide. Il n’avait gardé qu’une seule photo de lui avant l’accident, une des rares où sa mère n’était pas dans le cadre.

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